À contre-voie

LE MARCHÉ XIII

Pourquoi parler de politiques plutôt que de politiciens ? La pratique, le praticien. La technique, le technicien. La politique, le politicien. Pourquoi punir un mot de l’insuffisance de ceux qu’il désigne ?
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Le remplacement progressif, dans les pays occidentaux, de la misère la plus criante par une fatigue de vivre décourageante, l’impossibilité où se trouvent les plus démunis de s’y faire entendre, l’exil des enjeux essentiels vers les buildings de la mondialisation, la résignation consensuelle, quoique douloureuse, qui atteint toutes les classes de la société tandis que les nouveaux jeux du cirque, à la portée du moindre clic, plantent leur tente au beau milieu de notre intimité, tout cela émousse la fièvre des débats publics et oblige les politiquiciens à hausser d’un ton le niveau de leur égosillement. Si je ne m’en réjouis pas, je ne m’en attriste pas outre mesure. Les conséquences fâcheuses, voire désastreuses, nous les voyons déjà. Braquons plutôt le projecteur sur un effet paradoxal possible. Cet impitoyable décapage pourrait nous reconduire, par des voies certes périlleuses, à la question centrale de la vraie démocratie : comment voulons-nous vivre ensemble, pour quoi et pourquoi ?
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On me demande : êtes-vous optimiste ou pessimiste ? Si la France, l’Europe, l’Occident suivent, en la descendant, la pente de la modernité, je suis pessimiste à 100%. Pessimiste pour les individus, pessimiste pour la société, pessimiste pour la paix du monde. L’optimisme ne peut venir que de l’espoir d’un imprévisible élan qui surgirait soit d’une zone de pureté ou de vigueur miraculeusement préservée, soit d’une perfection dans la décomposition, d’un excès de dégoût.
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Oui au non de Laurent Fabius. La France, aiguillon têtu de l’Europe, c’est bien. Et la résistance de Chirac et de Villepin aux USA, c’est toujours bien. Verrions-nous se composer peu à peu, sous nos yeux incrédules, le puzzle d’une politique du sens ? Je ne suis pourtant ni du côté de Chirac ni de celui de Fabius. Peu importe. C’est l’honneur de la liberté que de saluer ce qui est bon. Et c’est l’espérance obstinée qui donne sa dignité à la critique. « Vieil homme recru d’épreuves, disait de lui-même le général de Gaulle, jamais las de guetter dans l’ombre la moindre lueur de l’aube. »
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Je ne sais ce que guette le receveur de mon bureau de poste, mais il est grand, poncé, majestueux et impeccable. Je lui fais part de mon sentiment sur la dégradation des relations humaines dans son royaume. L’attente est trop longue. Les employés, peu nombreux, ne semblent plus là pour répondre aux demandes des usagers mais pour leur placer de nouveaux produits. Ils le font du bout des lèvres, l’air écœuré. Les altercations se multiplient avec des clients excédés. J’explique au maître des lieux que cette situation est malsaine, qu’il doit le faire savoir à ses supérieurs. Il me regarde fixement. « Le point de rupture va bientôt être atteint », lui dis-je. « Probablement », constate-t-il avant de prendre congé.
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Une œuvre perspicace du sculpteur Chen Zhen : une table de salle à manger entourée de sièges de toutes sortes qui se sont hissés au niveau du plateau de la table et encastrés en lui. Belle image. La seule instance possible, c’est nous. Faire monter ce nous à l’assaut de tous les pouvoirs. Le reste est tyrannie.
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On le voit bien dans l’œuvre d’un autre sculpteur, Beng Thi. Deux tiges métalliques verticales (structure, idéologie, transcendance truquée) soutiennent la rouille et les ruines d’un personnage déchiqueté. Le corps est posé sur les tiges comme un vêtement sur un cintre, un épouvantail sur son bâton. Il ne tient plus à rien. Il ne ressemble à rien. Il n’est pas là. Il n’a jamais été là.
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Le Français moyen, même s’il joue rarement à la manille aux enchères avec Ben Laden, sent que la politique selon Bush, ça ne va pas. Il est donc urgent de lui prouver qu’une fois de plus, il se montre borné et sommaire, et que les choses sont bien plus compliquées que ses neurones hexagonaux ne peuvent le percevoir. Plusieurs livres s’en chargent, ces temps-ci. Que sait-il d’ailleurs de la société américaine, ce péquenot, et, notamment, de cette bonne société où se recrutent les candidats à la présidence ? J’ai feuilleté ces livres. Ils ne sont pas inintéressants mais tout se passe comme si ce déluge d’informations avait pour fin principale, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, de noyer dans la honte de l’ignorance un sentiment populaire premier, tenace, élémentaire, dont les élites américaines n’ont pas grand-chose à redouter mais qui pourrait se mettre fâcheusement en travers des intérêts de leurs cousines françaises. Rien ne me ferait plus plaisir que d’être commis d’office à la défense de ce sentiment-là. Je ne crois pas que le peuple pense que tous les Américains soient des clones de leur président actuel, ni d’obèses dévoreurs de hamburgers armés jusqu’aux dents qui se trompent obstinément de far west. Le peuple est plus fin qu’il n’en a l’air même si, snobé en permanence, il lui arrive souvent d’avoir honte de sa lucidité et de parler contre ce qu’il sent. Que George W. Bush soit un personnage habité par le vide, une coquille où retentissent les échos entrecroisés des peurs archaïques et des violences qui les justifient, le populaire n’a pas besoin de s’appesantir longuement sur cette évidence : c’est gros comme une maison blanche. Ce n’est pas de lui, pourtant, qu’il se soucie, mais de ce qu’on ne l’a pas empêché de commettre, cette effroyable guerre d’Irak dont les conséquences néfastes et perverses poursuivront ses enfants. Et qui lui rendra très difficile de ravaler sa nausée si, Bush regnante, on lui parle encore des valeurs communes censées rassembler les États-Unis et la France.
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Il faut saluer une manière de perfection dans la loi qui, désormais, punit toute tentative d’évasion, même non accompagnée de violences ni de dégradations : cette disposition est désastreuse autant par les conséquences qu’elle va entraîner que par les principes qu’elle engage. Côté bon sens, d’abord. La question de l’évasion ne se pose sérieusement que pour les longues peines. On ne voit pas comment la menace de quelques mois ou de quelques années supplémentaires d’enfermement dissuaderait un condamné à vingt ans de tenter l’aventure. Le seul résultat de la nouvelle loi est d’ôter de son esprit l’idée qu’une évasion pacifique lui serait avantageuse. « Ça passe ou ça casse », tel est le slogan qu’on impose aux prisonniers qui rêvent de la belle. Les plus cyniques y verront une justification de leur violence ; les autres seront inutilement induits en tentation. Les victimes potentielles de ces évasions courront des risques infiniment plus grands. Il ne fera pas bon se trouver sur le chemin d’un évadé qui ne pourra pas espérer la moindre clémence de la loi. Quant aux gardiens de prison, leur sécurité n’aura rien à gagner de cette nouvelle dramatisation de l’univers carcéral. En un mot comme en mille, il est déraisonnable de décourager, là où il vit encore, l’esprit chevaleresque d’Arsène Lupin. Comment ces évidences ont-elles pu échapper à ceux qui ont rédigé ces dispositions et à ceux qui les ont votées ? Est-ce là le pragmatisme de la gouvernance moderne ? Est-ce là son réalisme ? Nous voici en tout cas fortement incités à rompre avec une critique idéaliste de ce pragmatisme-là. La modernité n’est pas à condamner parce qu’elle limiterait son horizon à un utilitarisme un peu court, parce que, trop occupée des choses et de l’argent, elle délaisserait de plus nobles horizons. La vérité est qu’elle se moque comme d’une guigne de l’efficacité entendue comme la recherche des moyens les plus propres à assurer la paix civile et la sauvegarde des citoyens. Efficacité, utilité, pragmatisme, réalisme sont des manières de dire, des prétextes, des paravents derrière lesquels se cache une passion despotique. Ne pas punir une évasion pacifique, c’est laisser du jeu, au sens mécanique du mot, à la liberté ; c’est ne pas voir a priori dans l’évadé un récidiviste en puissance, c’est ne pas exclure, par exemple, qu’aller embrasser sa femme et ses enfants puisse être la raison d’une tentative d’évasion. En un mot, c’est choisir la confiance contre la défiance, l’esprit contre la lettre : un tel choix est insupportable au despote et aux esclaves du despote. Il déclenche en eux une transe de sombre prophétie, seule capable de leur faire supporter leur immaturité ; quand apparaîtront les conséquences cruelles de leur aveuglement, ils y trouveront matière à des prophéties plus sombres encore. C’est que, moins ils sont capables de faire face à leur liberté, plus il leur est nécessaire de contrôler celle d’autrui, de s’installer dans son âme à la manière d’une force d’occupation qui, naturellement, proteste hautement de sa bienveillance. Leur but n’est pas d’apaiser les peurs d’aujourd’hui, mais de mûrir la violence de demain : elle porte en elle la promesse d’une répression accrue, c’est-à-dire d’une jouissance plus exaltante encore.
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Telle est la logique de guerre, comme on disait lamentablement lors de la précédente guerre d’Irak, que nous voyons George W. Bush et ses conseillers tenter d’imposer au monde. Loin de susciter en moi un antibushisme primaire, la guerre d’Irak me conduit à le vouloir primaire, secondaire, tertiaire et quaternaire. Primaire : parce que nos valeurs morales, si elles ne sombrent pas dans l’ignoble, auront du mal à s’accorder avec la manipulation de la peur, de la haine et du mensonge. Secondaire : parce que nos valeurs démocratiques, si elles ne sombrent pas dans la fumisterie, auront du mal à accepter qu’on ruine un pays tout entier, qu’on le mette à feu et à sang sous prétexte de le libérer en prétendant, en outre, faire de ce viol la première étape d’un brigandage généralisé dans la région à laquelle il appartient. Tertiaire : parce que nos valeurs humanistes, de Descartes à la Révolution, si elles ne sombrent pas dans la trahison, auront du mal à admettre que les intérêts les plus gras de la nation la plus riche du monde puissent être mis en balance avec le désespoir où sont jetées tant de consciences et tant de sociétés. Quaternaire : parce que nos valeurs religieuses, celles du christianisme et des autres cultes présents sur notre sol, si elles ne sombrent pas dans l’ordure de l’occultisme, auront du mal à accepter que le citoyen Bush se prenne pour l’élu de Dieu et à voir dans son ubuesque croisade autre chose qu’une opération de marketing inventée par des milliardaires psychopathes.
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Avenue de Wagram, collée sur un kiosque à côté d’affichettes pornographiques, cette pathétique supplique : « Très Saint Père, de nombreux jeunes catholiques veulent la messe de saint Pie V. » Sur le papier, une réponse manuscrite, du tac au tac : « Et beaucoup de vieux catholiques, qui l’ont connue avant le Concile, n’en veulent plus. » Je suis resté longtemps à contempler cet échange. Ce n’est pas mon goût de faire l’esprit fort. La question de la foi, je n’en ris pas plus qu’il y a cinquante ans ; rien ne peut faire qu’elle ne soit en moi. Mais ce n’est pas cela qui m’immobilisait, au moins apparemment, devant les affichettes porno. Je songeais à ces débats, à ces situations qui ont fait sens, et qui ne font plus sens. L’absurde effort pour retrouver. La nécessité d’oublier. Le passage par la page blanche, par l’écran vide. J’aurais pu, autrefois, rédiger de semblables adresses au pape. Est-ce que j’en ris ? Même pas. C’était ainsi, et ce n’est plus. En y réfléchissant, ce passé ne m’est pas un début dont le présent serait la suite, ou la fin, ou l’échec, ou le contraire, ou la solution, ou le progrès. Ce passé, qui n’est plus du tout présent, se fond pourtant avec ce présent dans l’attente du vrai début ; et ce vrai début a son siège dans un avenir qui n’est pas un tout possible mais qui, fiché dans le présent, en est comme la blessure et la nécessité. Et qui, ainsi, retourne le temps comme un gant. Mais cela, n’est-ce pas la réapparition de la question de la foi ?
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Je dîne avec un ami d’il y a cinquante ans, perdu de vue après nos années d’étudiants. Nos itinéraires ont été différents, contradictoires sans doute sur certains points. D’emblée je reconnais sa vivacité d’esprit, sa droiture, ce goût de l’indépendance dont, comme autrefois, il semble se méfier un peu. J’ai le sentiment très fort que, pour lui comme pour moi, tout était en germe il y a cinquante ans ; que, s’il y a eu développement, c’est au sens photographique du mot. Pas de constat à dresser, encore moins de bilan. Après le café, exceptionnellement, on s’est offert un petit cognac. Non pas un cognac : un armagnac.
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C’est rêverie, c’est même mauvaise foi, de soutenir que les valeurs chrétiennes ou les valeurs laïques inspirent notre société. L’époque se caractérise, au contraire, par l’exil de ces deux formes de cléricalisme. Les sermons de mon curé de paroisse, comme ceux de Régis Debray, m’affligent par leur côté vieilles dentelles ; ils sont désuets, voire posthumes. Peppone et don Camillo se sont entretués. Cela ne signifie nullement, à mon sens, que la religion et la raison aient sombré, mais que nous traversons une crise inédite, inouïe, sur les eaux boueuses de laquelle les références habituelles flottent comme des bouchons. Apparemment, il n’y a pas à s’en réjouir. Ce qui l’emporte, et probablement pour longtemps, c’est l’épais, l’indistinct, l’informe, le sommaire, l’inattentif, le massif. Comme on comprend, comme on partage la tentation de la nostalgie ! Et qu’on s’étonne peu de voir la violence séduire les plus faibles ou les plus furieux ! Personne, au fond de soi, n’a aucun doute sur la réalité du cataclysme. Bien sûr, ceux dont il contrecarre sévèrement les projets et l’ambition, ces acteurs institutionnels qui, par construction, parient sur la survie de l’ordre ancien, multiplient les tentatives de réanimation de l’univers défunt : ils ne ressusciteront rien, et ils le savent. Pourtant, ils s’obstinent, ils gagnent du temps, ils repoussent les échéances, terrifiés à l’idée d’affronter une tempête qui emporterait comme fétus de paille les barrières entre lesquelles, dès l’école élémentaire, on leur a appris à penser, à sentir, à respirer. Dès lors, par un étrange retournement, il y a moins à craindre de leurs vices que de leurs vertus, de leurs insuffisances que de leurs qualités. Ils sont inappropriés, comme on dit en américain. Comme est inapproprié au devenir de ce monde terrible tout ce qui ne plonge pas ses racines dans le mouvant, dans l’incertain, dans le marais originaire. Cette plongée-là aussi, bien sûr, peut être caricaturée : les médias grouillent de cette tolérance affectée et de ce scepticisme agressif qu’il suffit d’un claquement de doigts des maîtres pour changer en soumission féroce à leurs intérêts. Non, apparemment, il n’y a pas lieu de se réjouir. Ce chamboule tout des repères a cependant quelque chose d’heureux, d’inaugural. Il suggère que l’artifice n’est pas notre destin ; que notre esprit n’est pas assis sur le petit banc de lui-même ; que derrière les fenêtres, ça souffle ; que, sous les pieds, ça gronde ; que, sous la mort, ça vit ; que, sous la haine, ça aime.
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Il est un journal parisien que je ne peux regarder, depuis vingt ans, sans colère ni, surtout, sans tristesse. L’humanisme que professe cette publication m’avait incité à aller chercher de l’aide auprès d’un de ses responsables. Je venais en effet de participer aux préparatifs d’une émission de télévision sur le divorce. Le principe m’en avait semblé intéressant mais la réalisation aurait fait chavirer de dégoût le cœur le mieux accroché : entre autres délicatesses, une jeune fille devait y apprendre, en direct, qu’elle était le produit d’un viol. Le responsable en question m’avait reçu avec courtoisie, s’était indigné avec moi de ce qui m’indignait, et m’avait promis de me donner des nouvelles de la protestation que je déposais entre ses mains. Des nouvelles, j’en reçus : pas celles que j’attendais. Le lendemain, une collaboratrice de la productrice de l’émission m’appelait chez moi. Au bord des larmes, elle me racontait qu’à peine étais-je sorti de son bureau, mon interlocuteur avait téléphoné à sa patronne pour la prévenir que quelqu’un en voulait à son émission. Cette complicité sale l’avait bouleversée. Le dire à quelqu’un lui faisait du bien. Quant à moi, ça m’apprenait l’époque.
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La banlieue que j’ai connue ne ressemblait en rien à celle qu’auscultent des personnages importants, qui se fatigue pour son identité et reproduit, casquette à l’envers, l’univers dont elle se sent exclue. Je ne puis rencontrer un de mes camarades de cette époque sans replonger avec lui, pour un instant, dans notre fraternité originelle. Peu importe ce que nous sommes devenus, quels aléas nous furent réservés : nous rions du même rire qu’autrefois, un rire où il y a du triomphe. Exclus, nous ? La barrière de sarcasmes et de fierté, c’est nous qui la dressions. Les sciences humaines ne nous avaient pas encore colonisés : le centre, c’était nous, pas les autres. Nous nous sentions au monde, nous nous sentions à la vie : ça nous suffisait, tel était notre secret. Les autres, les tout proches et très lointains riches, avaient à s’encombrer de mille et une considérations subalternes : il nous fallait constater, en toute objectivité, que nous leur étions supérieurs !
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Autre legs précieux de la banlieue qui m’a nourri, le sens aigu de la fragilité, de la contingence, du provisoire. La banlieue n’a pas d’histoire ; elle n’a rien à raconter. Elle sait d’instinct que l’essentiel, dans toute construction en dur, c’est la fissure. Rien ne la fait plus rigoler que les généalogies qu’on s’invente pour bétonner, ou plâtrer, sa conscience d’exister. De la graisse, tout ça, de la mauvaise graisse. Les gars de la banlieue subissaient, de gré ou de force, une sorte de circoncision de l’origine. « Tu ne viens de nulle part, mon pote. Où tu vas, tu le verras bien. » Dans ce no man’s land du sens, il y avait tous les sens. Pas de haine, donc pas de déclarations d’amour. La fraternité, oui, mais merci de ne pas empiéter. Un sentiment constant de présence avec, en son centre, l’évidence d’une absence qu’il serait balourd de commenter : tout ce qui a l’air d’exister, il est tellement clair que ça n’existe pas ! Ici est une allusion à un ailleurs dont personne ne peut parler, et qui n’existe peut-être pas non plus. Mais nous, pour l’instant, nous sommes là : ça suffit.
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Juste pour le plaisir. Une fabuleuse image d’Aragon qui me poursuit depuis longtemps. C’est dans un poème du Roman inachevé, l’archi-célèbre Après l’amour, d’où Léo Ferré a tiré sa chanson L’étrangère, juste après la strophe qui se termine par
J’aimais déjà les étrangères
Quand j’étais un petit enfant
Voici :
Les choses sont simples pour elles
Elles touchent ce qu’elles voient
Leur miracle m’est naturel
Comme descendre à contre-voie
Nous sommes en plein Tao, non ? Cette voie à contre-voie qui est la voie, et qu’ouvre un simple geste de la main vers le monde en quoi se résume – et qui annule – tout langage…
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Sagan est morte. Elle ne savait pas vivre. Nous non plus.

(28 septembre 2004)