J’ai suivi avec curiosité, puis avec agacement, puis avec colère, puis avec une perplexité grandissante les réactions des journalistes à l’attitude française devant la nouvelle guerre d’Irak. L’envie m’a saisi plus d’une fois de déverser sur Résurgences la lassitude que m’inspirait la pleutrerie de la plupart d’entre elles. Quelque chose m’a pourtant retenu qui n’était ni le refus d’un peu de véhémence ni le sentiment de l’inutilité d’une telle protestation. « La polémique, c’est mon démon » disait, avec son débit de cascade rocailleuse, notre professeur de philosophie, Etienne Borne. Il était très grand, un peu voûté. Des lunettes d’hypermyope étaient posées sur son long nez pointu. Son visage, qui n’avait jamais dû être celui d’un jeune premier, rayonnait pourtant de beauté quand il parlait de Platon, sa main rythmant sa parole, comme si elle courait, devant lui, sur le clavier d’un piano imaginaire.
À ce démon-là, cette fois, je n’ai pas cédé. En effet, plus les commentaires progressaient dans le servile et le pleurnichard, plus il me semblait qu’ils méritaient autre chose qu’un simple traitement polémique. Je sentais qu’à la faveur de cette crise, un aspect central de notre culture, s’il faut nommer ainsi le point de fuite de nos habitudes de soumission, se révélait : les médias ne faisaient que le refléter ou, au pire, l’agrandir.
Quelques évidences, d’abord. Il est apparu très tôt à la plupart des habitants de la planète que la guerre d’Irak était illégitime, inutile et cruelle, qu’elle conduirait au désastre les Irakiens et bien d’autres, qu’elle ferait courir un grand danger au monde entier. Là où les gouvernements liés aux États-Unis par des intérêts divers se faisaient un devoir de servitude de les accompagner dans cette lamentable aventure, leurs peuples leur signifiaient qu’ils ne les y suivraient que contraints et forcés. Les prétextes avancés par la propagande américaine étaient peu crédibles ; il apparaît désormais clairement que les sceptiques avaient raison, que l’Irak n’était en mesure de menacer personne, et que le croisé en chef, comme son valet de chambre anglais, sont des menteurs.
L’opposition française à cette invasion était pourtant bien loin de valoir déclaration de guerre à l’ami américain! Il était seulement marqué que l’administration Bush venait de dépasser la limite du tolérable ; la France et, avec elle, bien d’autres nations, sans compter les plus hautes autorités morales, à commencer par Jean-Paul II, signifiaient leur hostilité non seulement à la réalité immédiate de cette agression, mais encore à la stratégie globale dont elle n’était à l’évidence qu’une étape.
Je ne me suis pas indigné de voir quelques intellectuels développer un point de vue opposé et fournir à la « coalition » l’appui décisif de leurs analyses : si étrangère que me soit une telle position, mon devoir de républicain est de la combattre, mais de lui reconnaître le droit de s’exprimer. Ce qui m’a intrigué, par contre, c’est de voir tant de journalistes qui ne critiquaient pas franchement la position française, qui parfois en reconnaissaient le bien-fondé, qui l’approuvaient en partie ou même en totalité, manifester un trouble bizarre comme s’ils se trouvaient là devant une indélicatesse, une infidélité, une insupportable incongruité, l’inadmissible rupture d’un pacte mondain tacite.
Pourquoi ce trouble ? Parce que les Français sont les amis traditionnels des Américains? Certes. Mais qu’est-ce qu’une amitié qui, dans une circonstance grave, ne parle pas clair et net? Ne comprenaient-ils pas, ces commentateurs, qu’il n’était digne ni de leurs amis américains ni d’eux-mêmes d’abandonner un si grand pays à la pantalonnade hystérique à quoi se résume sa politique actuelle? La netteté de l’affrontement verbal entre la France et les États-Unis semblait pourtant les inquiéter bien davantage que l’imminence de la guerre ; un propos si tranché, il fallait absolument qu’il fût simpliste : la clarté de la pensée et de l’expression leur était plus insupportable que le fracas des canons. C’est pourquoi ils s’évertuaient à nettoyer la position française de son intransigeance, à en arrondir les angles, à en gommer les aspérités, à en matelasser les arêtes de gentillesse, d’aménité, d’affabilité, de compréhension. Étrange souci si l’on songe que les mêmes journalistes, d’un bout de l’année à l’autre, se font les chantres du dialogue sincère. Il arrive même que certaines circonstances les trouvent guerriers et offensifs : le second tour de la dernière présidentielle, par exemple. On ne leur donnera sûrement pas tort de s’être opposés au candidat du Front national mais leur timidité d’aujourd’hui jette un doute sur leur bravoure d’hier. Croyaient-ils vraiment la patrie en danger ce mois d’avril 2002? Croyaient-ils vraiment aux chances du Front national? Imaginaient-ils vraiment Jean-Marie Le Pen président? Il est des dénonciations véhémentes qui sont la conjuration sans frais, satisfaisante pour des narcissismes peu exigeants, de risques somme toute assez minces. Plus difficile de trancher lorsqu’il ne s’agit pas de mise en scène, lorsque la réalité est vraiment en question, et l’idée qu’on se fait d’elle ; quand, comme il est dit dans L’Aiglon, « cette pointe pique et cette flamme brûle ».
Dans leur volonté – ou plutôt dans leur besoin profond, presque inconscient – d’atténuer la clarté de la position française, les médias ont eu recours à des rationalisations abusives. J’en ai repéré deux. La première, c’était l’idée que la dette française à l’égard des États-Unis rendait la position chiraquienne malséante. Sans doute négligeaient-ils (pourquoi donc?) d’équilibrer cette dette par une dette réciproque, antérieure et, celle-là, fondatrice. Mais, même si l’on oublie cette réciprocité, cette délicatesse reste absurde. Fallait-il, au nom des combattants américains de la Deuxième Guerre mondiale, laisser le monde prendre le risque d’un chaos qui pouvait devenir aussi redoutable que celui qu’ils nous avaient aidé à conjurer? Étrange diplomatie que celle du sentiment fixe! À supposer que la participation des États-Unis à la guerre de 39-45 fût à ranger sans nuances dans le tiroir de l’altruisme désintéressé, en quoi cette référence morale nous dispensait-elle de corriger les aberrations du déjà lointain successeur de Roosevelt? Elle nous y invitait, au contraire! Qu’on applique ce raisonnement, ou plutôt cette pulsion, à la situation inverse : nous voici incapables, du fait des terribles souvenirs du siècle, d’entretenir aujourd’hui des relations loyales avec l’Allemagne, l’Italie, le Japon. Et pour combien de pays sommes-nous nous-mêmes infréquentables!
À côté de cet alibi inventé par une sensiblerie cache-misère, j’ai reconnu, dans les médias, une pratique familière aux managers des entreprises, qui consiste à faire accepter des mesures détestables en les parant des prestiges d’une science d’autant plus difficilement contestable qu’elle est plus confuse. Il y a du Molière là-dedans, ou du Knock. Pour peu que le bonhomme manager soit habile à truffer sa camelote de bonnes et efficaces flatteries, il vous entortille ceux qu’il s’apprête à jeter dehors, ou dont il refuse d’augmenter le salaire, en leur représentant qu’ils participent, au prix de quelques difficultés regrettables mais passagères, de la glorieuse épopée de l’économie libérale et de l’humanisme technique qu’elle promet. Comment s’attendrir sur son propre sort, comment faire cas de la quotidienneté vulgaire des détails existentiels quand le pur cristal de la rationalité conquérante enchante les cerveaux les mieux irrigués de la planète? C’est une pitrerie de cette sorte qu’on vient de nous jouer ; il est regrettable que Le Monde y ait participé. Bush, on ne vous le cachera pas, ce n’est pas de la première pression à froid! Mais, encore une fois, foin des apparences! Derrière Bush, voit-on dans Le Monde, ronronnent d’immenses cerveaux de penseurs pur jus, gorgés de philosophie, de mathématiques, et même de théologie! Derrière la piquette bushienne, les grands pinards des experts militaires, de la Défense, de la CIA, de la je-ne-sais-quoi : à quels lourdauds ces petits bijoux de neurones assemblés laisseraient-ils le loisir d’attarder leur esprit à la considération triviale de chars d’assaut, d’avions sans pilote et de généraux sans scrupules, voire de quelques petits milliers, ou peut-être millions, de tonnes de bombes déversées? Qu’il est mesquin, le peuple, à l’aune de l’excellence des experts!
Ces délires m’ont mis la puce à l’oreille. Ainsi un médecin, soignant un patient au Groenland, retrouve-t-il soudain un symptôme jadis rencontré en Afrique. L’embarras des journalistes devant la position française, je le reconnais. Ils l’attifent à leur manière, forcément voyante, mais il ne leur appartient pas en propre. Nous ne sommes pas devant un problème médiatique. La complicité volontaire ou involontaire avec ce que l’on repousse, complicité née de l’incapacité de s’avouer ce que l’on pense, et donc de le formuler, je n’ai cessé de mesurer, dans les entreprises, les ravages de cette peste. Mais elle n’est pas non plus le mal spécifique de ce qu’on s’entête à nommer, contre toute réalité, le monde du travail. Ce prétendu monde-là, qu’on veut produire de force, comme par fécondation artificielle, n’a pas d’existence autonome : il tire sa substance de ce qui le produit bien plus que de ce qu’il produit. Si bien que mon interrogation s’est élargie. « Pourquoi les journalistes n’osent-ils pas? me suis-je d’abord demandé, de quoi ont-ils peur? » Mais la question a ripé : « Pourquoi les travailleurs n’osent-ils pas? De quoi ont-ils peur? » Et elle a ripé une seconde fois : « Pourquoi n’osons-nous pas? De quoi avons-nous peur? »
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Regardons d’un peu plus près, en prenant garde de ne pas les charger de tous les péchés du monde, les réactions de ces journalistes qui, sans s’opposer de front au point de vue des autorités françaises, en conçoivent cette sorte d’émoi ou d’embarras que j’ai tenté de décrire en commençant. Ils se sont trouvés, comme nous tous, devant un cas de figure rarissime : jugement intellectuel, jugement politique et jugement moral semblaient, en l’occurrence, coïncider presque parfaitement. Ce qui m’intéresse, c’est de chercher de quoi sont faits cet émoi, cet embarras, cette constante restriction mentale qui les paralysent comme ils paralysent tant de gens. Voici d’abord ce que j’ai glané avant, pendant et après la guerre, sur diverses radios, sur quelques chaînes de télévision, dans un ou deux journaux. Rien d’exhaustif, bien sûr, encore moins de scientifique! Au mieux, une piste ouverte. La plupart des propos rapportés ont été tenus par des journalistes, quelques-uns par leurs invités.
Très peu osent la dénégation absolue. « Il n’y a rien à chercher de ce côté-là », déclare, à propos de la position chiraquienne, un industriel français de « taille internationale » qu’on frémit de voir entrer, décentralisation aidant, au conseil d’administration de quelque université. Mais les journalistes sont trop familiers du discours sur l’éthique pour épouser un point de vue aussi sommaire. Ils sentent l’analyse française rigoureuse. Sans s’opposer à elle, ils tentent plutôt de la contourner ou de la relativiser. Leur dénégation partielle, souvent maladroite et désespérée, est un évitement. « Être à la fois contre Saddam et contre Bush est contradictoire », déclare un chroniqueur péremptoire qui doit se croire obligé d’être l’ami du sras s’il est l’ennemi du sida. Parfois, sous le masque d’une habile modestie, se cache l’espoir de n’avoir pas à prendre position. On fait fête à l’humble réaction d’une auditrice : « On dit «Bush et Blair ont tort.» Cela veut dire que nous, Français, nous avons raison? Comme c’est maladroit! » Un ancien ministre tente de noyer un poisson dont Alfred Jarry se serait sans doute délecté et se fend d’une prophétie hilarante susceptible de lui valoir sans concours un poste de directeur des relations humaines : « Dire non, c’était bien, mais il faudra retrouver le pouvoir de dire oui. »
Il suffit d’un point de vue un peu tranché, même (surtout?) s’il est superbement pacifique, pour jeter dans la confusion les âmes sensibles. Certaines réactions traduisent la honte d’adolescents bien élevés dont les parents, ivres morts, lâchent des gros mots en public. « Vraiment cinglant, Raffarin, s’étrangle l’illustre animateur matinal, de dire que les Américains ont commis une triple erreur : morale, stratégique, politique. Vraiment cinglant! Attention aux USA humiliés! » La même déclaration suscite, dans Le Monde, un jugement où la morale politique paraît confondue avec les bonnes manières : « Tout au plus s’efforçait-il [Jean-Pierre Raffarin] de corriger discrètement la mauvaise impression laissée à Londres par Dominique de Villepin. Le ministre des affaires étrangères avait assez maladroitement refusé de dire qu’il souhaitait la victoire des forces américano-britanniques en Irak. »
La philosophie de la plupart des chroniqueurs, même s’ils la dissimulent dans la masse des informations, c’est le réalisme cynique. S’en doutent-ils? Quand il parut clair – ô surprise! – que les Américains avaient gagné la guerre, ils s’en donnèrent à cœur joie. Il avait bonne mine, le camp de la paix! La France se retrouvait isolée? Bien fait! Vous croyez toujours que les Américains avaient tort? Allons, pourquoi ne pas les aider un peu quand ils ont des ennuis? « Difficultés américaines », annonce RFI. Je monte le son. J’entends : « Treize morts et cinquante blessés irakiens dans une manifestation. » Les Twin Towers, dans cette logique-là, sont la difficulté de qui? Et la même radio, un peu plus tard, sur le ton de l’indignation découragée : « La Croix-Rouge a parlé de puissance occupante! » Mais le destin est le destin, et le présentateur du 13 heures de TF1 son interprète : « L’armée américaine, annonce-t-il navré, a dû tirer dans la foule. »
Ouf! tout cela est du passé. Entre un ministre français et son homologue américain, il s’est échangé une poignée de main, peut-être un sourire. « Est-ce le début du dégel? » Il y a quelques jours, nouvelle poignée de main, entre les présidents cette fois. Bon signe, même si elle a été moins franche, pour ne pas parler des embrassades avec Blair, que celle dont a été gratifié Poutine qui a eu droit aussi à une ou deux tapes dans le dos. La main de Bush s’est bien dirigée vers le dos de Chirac, mais elle s’est arrêtée en chemin.
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« Serons-nous punis, demandent-ils tous, la voix fêlée d’une gourmandise quasi érotique, et de quelle punition? » Quelqu’un m’a dit trouver cette angoisse comique. Pas moi. Qu’on aille voir sur ce site le texte sur Jacques Berque et l’Occident. La culture occidentale et la civilisation occidentale, pensait Berque, sont à naître ; elles n’existent pas encore. Ce n’était pas là, pour lui, une manière de dire.
Dans les échos coincés des médias à un propos politique qui, pour une fois, satisfaisait la raison et le cœur, j’ai trouvé la confirmation éclatante de l’intuition de Berque. Notre rêve à peine secret, c’est d’être punis, battus, humiliés. Mais pas par n’importe qui! Par cette exagération de nous-mêmes que sont les Américains, par ce gros morceau d’Occident tout-puissant et mortifère! Il nous faut être punis dans des conditions qui nous permettent de penser que nous nous châtions nous-mêmes par la main du cousin américain. Une punition en famille, en quelque sorte : eux, c’est nous, n’est-ce pas? La plupart des penseurs occidentaux se contentent largement de cette équation approximative. Quelques esprits déliés suggèrent en aparté, sans que cela remette en cause leur obéissance, que c’est la maladresse de ce parent fort doué, mais décidément balourd, qui est à l’origine d’une catastrophe à laquelle il ne résistera guère plus longtemps que nous. Il se trouve aussi quelques nostalgiques du temps où l’Europe avait du chic, où l’on savait y jouir de l’excitant pouvoir du sourire méprisant : ils s’amusent de voir les Américains stupidement occupés à collectionner les victoires sans se douter qu’ils sont au bord du désastre. Nous, nous le savons. Noblesse oblige. Quand nous nous sentirons mourir, nous leur en jetterons la nouvelle à la face comme un ultime mouchoir de dentelle.
On trouve des punis dociles, des punis lucides, des punis hautains : mais tous bien d’accord pour être punis. « Que vont nous faire les maîtres? » telle est la plus grave question qu’aient à poser les gens instruits dont la voix, chaque matin, réveille le pays. Ce n’est pas parce qu’elle pousse à la méchanceté que la polémique est un démon, c’est parce qu’elle ne va pas au fond des choses, parce que sa grosse voix joue du simulacre, parce qu’elle ne veut pas comprendre. Il suffit d’une occasion comme la guerre d’Irak pour qu’éclate la vérité : la peur est le principal carburant de la supposée civilisation occidentale. Vraiment trop naïf d’en faire porter la responsabilité aux médias! Que la politique s’enflamme un peu, qu’on oublie pour quelques jours l’UMP, le PSG, l’OM, le PS : ce que les gens ont sur le cœur jaillit sur leurs lèvres, même et surtout s’ils ne le veulent pas, avec la même nécessité que les intestins d’un ventre qu’on ouvre. Et ce qu’ils ont sur le cœur, dans le cœur, sous le cœur, en amont et en aval du cœur, porte un seul nom : la peur.
La guerre aux médias? Pas question! Pas une image à perdre de ce précieux kaléidoscope de nous-mêmes! C’est nous, tout ça! La vulgarité, la propagande, la bêtise, le vice, la prétention, c’est nous, c’est vraiment nous! Ne pas se défendre. C’est la mort, oui, mais c’est une chance divine que de l’avoir sous les yeux et d’épier en soi ce qui lui résiste…
Songez la mort, songez le tort qu’elle a
Ne veillez pas sans songer la méchante
Et si dormez, en rêvant, songez-la.
Tout prendre, pour tout retourner. Déplonger, dit Aragon. Considérer l’horreur en attendant le souffle immérité qui nous dira : « Punis? Mais d’avoir désobéi à qui? De n’avoir pas obéi à qui? De qui attendez-vous donc souffrance et jouissance? Pourquoi? » Pas de place pour la polémique : elle nous dérobe l’essentiel. L’épaisse histoire du monde est faite de nos milliards d’histoires fragiles, hésitantes, vaporeuses. Qui naissent et vivent de tout, même de la considération tranquille des médias.
Cette réunion avec un groupe d’agents EDF, durant la Mise en expression, il y a une dizaine d’années. Je leur demande de dire comment ils ressentent la vie au travail. Une jeune femme prend la parole. Elle murmure : « Un poids… » Pendant plusieurs minutes, elle répétera obstinément ce mot. Elle ne se plaindra de rien ni de personne. Les autres lui posent des questions, veulent qu’elle précise. On sent qu’elle essaye, qu’elle repère les éléments d’un récit, qu’elle classe des souvenirs. Mais elle ne trouve rien d’autre. Un poids… Ce n’est pas qu’elle ait peur de parler : tout serait inadéquat, la colère, la révolte, la rage, les revendications. Un poids…
Cette jeune femme et ces journalistes sont, comme nous tous, des prisonniers de l’intermédiaire. Elle cherche, sans y parvenir, à se débarrasser d’une tristesse ordinaire. Est-ce l’idée qu’elle se fait du bonheur, de la solitude, d’elle-même qui l’en empêche? Sa manière de penser qui l’en rend incapable? Ou ce frein-moteur dont on a, dès l’origine, équipé sa sensibilité? Un peu de tout cela. Ce qui arrive aux journalistes n’est pas si différent. Elle, elle n’a pas accès à son malheur. Eux, ils sont incapables de saluer, ne fût-ce qu’un instant, et même s’ils ne sont pas plus chiraquiens que moi, une attitude raisonnable et pacifique. Ce passage du vrai – si météorique qu’il soit -, ce fragment d’espérance, il leur est impossible, même d’une phrase, même d’un mot, même d’une intonation, d’avouer qu’il les touche. Entre ces deux impossibilités, il y a une certaine symétrie. Mais aussi une différence majeure. Elle, elle tâche de franchir l’obstacle. Eux, ils s’abritent derrière les barrières.
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La prison moderne, la voici : un univers social et mental qui interdit autant la confrontation loyale avec le malheur que la familiarité franche avec la joie ; une zone de transit pour nulle part, un piétinement sur place cadencé par une troupe de domestiques prétentieux – détestables geôliers ou animateurs bienveillants – dont la mission est rigoureusement la même : nous empêcher de comprendre notre douleur et de libérer notre joie. Qu’est-ce qu’une civilisation qui ignore la tension entre un en deçà et un au-delà, entre une origine et un désir, entre un moins être et un plus être, entre les altitudes inverses du bonheur et du malheur?
Aragon :
D’une aile à la cime des bois
L’arbre frémit jusqu’à sa souche
Sans racines et sans cime, la civilisation occidentale n’est plus qu’un tronc fragile qui pourrit sur pied. Impossible de lui rendre vie sans transgresser les deux interdits entre lesquels elle s’est laissé enfermer, entre lesquels elle a laissé se développer, sous couleur d’humanisme, le cancer d’une organisation mortifère. Mais ces transgressions-là, à peine avons-nous seulement commencé à les envisager que, de l’extérieur comme de l’intérieur, en nous-mêmes et hors de nous-mêmes, se met en mouvement, pour nous décourager de rêver davantage, la monstrueuse, la parfaite machinerie qui se donne pour la réalité. Tout lui est bon pour nous garder prisonniers. La séduction. La complicité dans la veulerie. La menace. L’intimidation morale, psychologique, intellectuelle. Le bannissement intérieur. Elle peut tout mimer, cette mécanique ; l’amitié, la solidarité, la tolérance, le dialogue, la communication, la liberté sont ses meilleures ventes.
Un complot? Non! Une simple conséquence, monnayée de mille et une manières. Un dérapage ancien, renouvelé et aggravé par chaque génération, dont l’origine historique est confuse mais dont le processus peut se repérer aisément dans ces existences qu’on voit capituler sans conditions devant une rationalité démente et terroriste, entièrement étrangère à la raison, dans ces destins qu’une longue tradition de servitude a entretenus dans des rêves forcenés de domination et qui, désespérant de les réaliser, finissent par céder au dépit et remettent toutes leurs clefs à la puissance abstraite et animale de la technique : celles du devenir matériel de la société, puis celles de la science, puis celles de la vie collective, puis celles de la culture, puis celles du désir, puis celles de l’âme.
Pourquoi? Inutile de déranger Prométhée et ses camarades de mythologie : on a besoin d’eux au bachot. Nous ne sommes pas les victimes que nous aimerions être en sorte de nous persuader de la définitive impossibilité de tout changement. Notre mal est plus simple, et nullement incurable. Nous avons bâti, et nous continuons à bâtir, un monde qui ne sollicite guère en nous que la petite ingéniosité pratique et la soumission à toute épreuve qui sont l’apanage des bons élèves. Il le ferait sans doute avec moins d’insistance si nous lui opposions quelque résistance. Mais, loin de faire obstacle à sa manie, nous l’alimentons, croyant judicieux de noyer dans la fadeur des jeux de société qui nous sont proposés, ou imposés, les questions que nous souffle notre liberté. Nous prenons plaisir aux rôles qu’on nous distribue parce que nous pensons habile de faire semblant de confondre la puérilité dans laquelle ils nous jettent – la pire des puérilités, la savante, la compétente, la reconnue, la considérée – avec cet esprit d’enfance où s’enracine l’intraitable liberté qui nous fait peur. Il nous faut bien malhonnêtes, ou bien dépourvus, pour faire mine de croire que ces artifices nous feront échapper à l’angoisse. Nous savons bien qu’agissant ainsi, nous ne faisons que nous incliner devant elle, qu’elle nous rejoindra nécessairement et que c’est elle qui, à la fin, l’emportera. De génération en génération, le jeu de dupes se renouvelle, avide de prétextes de plus en plus frauduleux. Mais peut-être sommes-nous arrivés à une étape décisive. Le pratico-inerte dont parlait Sartre, simple gouvernement par les choses, a gagné. Nous n’avons plus à choisir entre lui et telle ou telle forme d’authenticité subsistante ou résiduelle, mais entre des images différemment maquillées de la même imposture. Dès lors, être ou ne pas être n’est plus un prétexte à flonflons littéraires. C’est une morsure de soi à soi, de soi par soi, qu’apaise une vie vécue comme une mort, mais que réveille chaque relation un peu forte, chaque ombre un peu têtue, chaque lumière un peu vive.
Pas la peine de tirer une gueule de carême. L’esprit d’enfance, c’est un chiendent à l’envers : plus on l’arrache, plus il repousse. Il faut seulement avoir la politesse d’accepter, si on l’a abandonné depuis longtemps, que les retrouvailles soient un peu tumultueuses.
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L’esprit d’enfance versus le poids : voilà l’affaire la plus intéressante de l’époque. Si Diogène, en dépit d’une enquête de vingt-cinq siècles, n’avait toujours pas trouvé un homme, et s’il était contraint de le chercher parmi nous, il devrait s’intéresser à ceux et à celles qui devinent que la vérité de leur existence tient, pour l’essentiel, au libre développement en eux de cette confrontation. Franchement acceptée, résolument refusée ou négociée de toutes les manières possibles, cette empoignade domine nos débats dès l’âge que nous croyons adulte, celui précisément où nous commençons à nous protéger d’elle par des barrières d’alibis et de dénégations, des contre-feux de projets et de sens, des paravents moraux et idéologiques, des patchworks de certitudes clinquantes grossièrement assemblées dans le seul but de nous en détourner.
Qu’est-ce que ce poids? Un aspect de l’angoisse naturelle à la condition humaine, de la fragilité de tout existant, de la difficulté de vivre avec les autres, de l’exploration d’un gouffre métaphysique? Une manifestation sensible de l’aliénation? Une pathologie collective qui témoigne de notre immaturité? Autre chose encore? En tout cas, il suffit d’être un peu attentif à l’expression de nos contemporains pour les sentir aux prises avec quelque chose qui les retient, qui les empêche. Quelque chose… Une exigence préalable absurde. Une torture supportable, mais lancinante. L’obligation de répondre à des questions dépourvues de sens et formulées on ne sait par qui. Une lourdeur en soi qui réclame abusivement solidarité et considération. Une dette qu’on n’en finit pas de rembourser. La confrontation avec une difficulté qui renaît de ses cendres.
Un poids, disait sobrement cette jeune femme. J’ai rarement vu un mot aussi modeste rameuter autant d’adhésion silencieuse. Elle touchait en plein cœur, mettant par-là à distance les bavardages habituels. Chacun laissait résonner le mot en soi. Le poids, l’enfant de l’arbitraire et de l’autorité, l’absurde consacré par la force. Il est rare qu’on parle aussi franc. Le plus souvent, on reconnaît le poids au son fêlé de la voix qui le nie, à l’obstination qu’on y sent, souvent teintée de colère, de passer outre, à la complicité tacite que cette voix semble quémander : « Croyez-moi, mais croyez-moi donc… » Notre société tout entière est bâtie sur cette demande frauduleuse. Il m’arrive d’oublier mon interlocuteur et ce qu’il me dit, fasciné par ce que je sens peser sur lui, par la manière particulière dont cela pèse, par la stratégie tout aussi particulière qu’il met en œuvre pour exorciser, nier, alléger cette charge. Je ne pense certes pas deviner ce qui se passe dans cet interlocuteur, mais il m’arrive d’apercevoir ce qui passe en lui : dans cet être que je ne comprends pas, ou si mal, ou si peu, il me semble alors distinguer quelque chose qui appartient au monde lui-même, à son effort, à sa souffrance.
Quel déploiement insensé de volonté pour échapper à un aveu aussi simple, aussi innocent, aussi fondateur que celui de cette jeune femme! Que de constructions inutiles, que d’échafaudages bancals! Que de frileux replis sur soi maquillés en péripéties grandioses! Cet ancien stagiaire, perdu de vue depuis longtemps, que j’ai rencontré dans la rue. Nous avons bu un demi à une terrasse. Nous aurions pu bavarder un peu, réveiller quelques souvenirs, faire la part des choses. Il ne veut pas faire la part des choses, de crainte sans doute qu’elles n’occupent toute la place. Alors, en avant pour les projets. On le dirait poursuivi par une meute de chiens enragés. Il ne parle pas : il élève des murs ; plus ils montent, plus ils enferment de secrets. Il se fait prisonnier de l’avenir qui lui reste. Je ne l’écoute plus avec les oreilles. Je le regarde. L’œil écoute, dit le poète. Ce n’est plus lui, ce n’est plus moi, encore moins nous, même en y conviant le garçon de café, les gens assis aux tables voisines, les passants. L’ancien stagiaire ressemble à un vigile qui contient une foule, qui va en être débordé. Ce n’est plus une conversation, c’est une fracture ouverte.
Pourquoi toujours se faire violence? Laisser un peu percevoir ce dont on est habité. Pas besoin de confidences. Le signaler par l’infime distance qu’on met entre soi et soi, entre soi et les autres, entre soi et le monde. « C’est ce que nous désirons tous dans notre for intérieur, dites-vous. » Parfait. Mais votre for intérieur, savez-vous, commence à me fatiguer. Permettez-moi de lui opposer ce propos de Heidegger : « Celui qui pense plus n’est véritablement celui qui pense plus que s’il est aussi celui qui dit plus. »
(Puis-je ouvrir cette parenthèse? La plupart de mes collègues formateurs trompent les gens par défaut. De ce qu’ils pensent, de ce qu’ils croient, de la vérité des situations, ils ne livrent que des miettes qui trompent la faim de leurs auditeurs. Telle n’était pas ma pente. Je disais tout ce que je pouvais, et plus ; j’allais au-devant des conflits, et même des moulins. Le moindre chiffon rouge me mettait en émoi. Je me serais tué sur place plutôt que de ne pas choisir, au moindre risque de compromission, la position la plus radicale! Grosso modo, je n’avais pas tort. À cela près que je me demande maintenant s’il ne m’est pas arrivé de tromper les gens par excès. Je les enveloppais dans le manteau de Don Quichotte et de Cyrano. Ils étaient bien, comme à la Foire du Trône. Ils avaient des sensations. Ils se faisaient peur, pas pour de vrai. Mais je ne leur disais pas assez qu’il leur faudrait un jour passer à la caisse ; en cela, peut-être, sans le vouloir vraiment, je les trompais ou, du moins, je les laissais se tromper eux-mêmes devant moi…)
Par les temps qui courent, le for intérieur est un produit bien délicat à manier. Il est possible, quand les contradictions ne sont pas trop fortes, quand se chevauchent des représentations du monde vraiment différentes, quand, d’une manière ou d’une autre, il y a du jeu dans la vie sociale, de garder en soi une réserve de jugement qui permet d’intervenir droitement, mais habilement, dans les affaires de la société. Mais quand l’unidimensionnel atteint à la perfection qu’on lui connaît aujourd’hui, quand il est capable de récupérer à son profit cela même qui prétend s’opposer à lui, c’est trahir le for intérieur que de chercher en lui le moyen d’échapper à la réalité, et donc à la bataille. Le for intérieur n’est pas le fort où se réfugient les soldats poltrons. Ni une forme bénigne de masochisme. Ni un gros soupir impuissant. Ni une rêverie. Ni un mot noble pour pétoche. Ni l’ultime rempart de l’illusion. Le for intérieur, c’est la source inépuisable de notre liberté parce que c’est le point de jonction entre notre être et l’être. Par lui, nous échappons au monde et agissons sur le monde ; en lui, nous mesurons la force et la fragilité de notre présence, et à quel point elle est liée à celle des autres. Le for intérieur est le centre vivant de notre existence, le lieu privilégié de notre rencontre avec le vrai.
Rien à voir donc avec un salon d’accueil où notre mauvaise foi viendrait se consoler ou se justifier. Le for intérieur n’est pas la bouée de sauvetage de celui qui ne veut pas savoir où il en est afin de rester là où il en est : ce personnage-là, Sartre, conférant à ce mot une dignité philosophique, l’appelait le salaud. Sans doute n’est-ce pas d’abord la faute des travailleurs si la société économique est devenue une foire aux apparences, un jeu de rôles dégradant, la mise en scène sophistiquée de toutes les régressions, le bouillon de culture des tristesses et des hontes. Il est vrai qu’il faut une force presque surhumaine pour vivre dans cet enfer aux apparences parfois aimables sans y laisser son espérance. Mais trop de prophètes complaisants font carrière en cachant la réalité. On ne peut survivre à l’entreprise que si l’on n’en attend rien, si l’on n’en espère rien, si aucune arrière-pensée de récompense ou de promotion ne vient salir les seules sources de noblesse qui y restent : la limpidité du regard, la netteté du jugement, la droiture des relations. Le for intérieur n’est pas le passeport pour le mensonge qui autoriserait chacun, en secret, à ne pas voir ce qu’il voit, à ne pas sentir ce qu’il sent.
Un milligramme d’adhésion intime accordé à la perversion régnante et l’on devient immanquablement la caricature écœurante que l’on redoute. Alors ceux du haut se transforment en pantins cravatés, encombrés d’eux-mêmes, cassants comme du pain trop sec, catéchisés de ratios, voués à traverser la vie sur le fil de fer qu’on leur a une fois pour toutes désigné, et à y faire tout, leur carrière, leur blé, et même l’amour. Alors ceux du milieu ne sont plus que des demi-soldes de l’existence qui passent de la nostalgie de la maison, au bureau, à celle du bureau, à la maison ; des transhumants de l’aliénation tiédasse, écartelés par des mensonges contradictoires, des méprisés méprisants qui tentent vainement de se regonfler les uns les autres quand ils s’aperçoivent que c’est rebelote qu’ils préparent à leurs rejetons. Alors ceux du bas jouent les faux naïfs qui feignent d’oublier que c’est seulement parce qu’ils sont les moins riches qu’ils se croient les meilleurs, mais qu’ils s’empiffreraient des mêmes drogues que les citoyens des catégories précédentes si ces derniers oubliaient de les mettre sous clef ; qu’en attendant, s’ils se prennent pour les derniers représentants du bon sens et du naturel, c’est simplement parce que c’est là le seul costume qui leur reste. Pour ceux du haut, ceux du milieu, ceux du bas, une seule concession secrète à l’esprit de l’entreprise, et les caricatures ont raison. Mais s’il n’y a pas de concessions? Alors, l’aventure est à eux, plus difficile et plus exaltante que celle de Christophe Colomb, et chargée de beaucoup plus de sens encore.
« Celui qui pense plus n’est véritablement celui qui pense plus que s’il est aussi celui qui dit plus. » Si quelqu’un voulait encore de moi comme formateur, je serais plus exigeant pour les autres et pour moi-même que je ne l’ai été. Mes stagiaires m’écoutaient, flattés de l’idée que j’avais d’eux, et jouissaient de s’ébrouer sans risques dans les perspectives que je leur ouvrais! Et moi, je jouissais de leur jouissance! Puis ils s’en allaient, rangeaient ces souvenirs dans le tiroir des choses inclassables, où elles rejoignaient des photos illégitimes et des pensées inappropriées. Entre les exercices habituels de reptation au sol, le gargouillis syndical et les projets de vacances, l’équilibre rondouillard ne tardait pas à se rétablir.
« Nommer, c’est faire changer. » On n’échappe au poids qu’en le reconnaissant en soi et en proclamant qu’on le reconnaît. Comment s’est faite cette reconnaissance chez cette jeune femme, comment elle s’est énoncée, c’est là un mystère absolu non seulement pour le regard des autres, mais encore pour le sien. Le monde moderne est une conspiration pour nous faire échapper à cet aveu, pour nous faire oublier que les êtres humains mettent aujourd’hui en commun le pire d’eux-mêmes, les égouts de leur âme, les excréments de leur esprit. Soudain, comme cette jeune femme, quelqu’un se trouve devant cette évidence. Elle cogne en lui si violemment que, s’il ne la partageait avec personne, son for intérieur n’y résisterait pas. Cet être-là n’est pas un exalté, ni un illuminé, ni un prophète, ni un révolutionnaire. C’est un homme ordinaire qui franchit son Rubicon intérieur parce qu’il sent que c’est ainsi qu’il se rapproche des autres vivants et que, s’il ne le faisait pas, il choisirait de devenir un mort. Il n’a aucun message à délivrer à quiconque mais son acte, malgré lui, sans lui, transforme tout et recompose tout.
Voir un instant le monde comme on le voit par ses propres yeux, et dire ce qu’on voit, ce n’est pas dire la vérité, c’est la faire. Injustifiable, intransmissible, inexplicable, inutilisable, cet acte porte en soi son avenir, son élan, sa morale. Au sens propre, il refonde le monde puisqu’en un point de ce monde, dans cet être particulier, il plonge sous les apparences et se restaure aux sources de la vie. Sans ce mouvement premier, sans cet incontrôlable frémissement né de l’attente, de l’errance, de l’hésitation, du refus, de la passion, rien n’a valeur humaine, tout est folie ou convention, même la justice, même la culture, même la politique, même la religion. On ne peut croire ceux qui font semblant d’ignorer la réalité du poids qui pèse sur notre société. On ne peut croire ceux qui prétendent en connaître l’origine et savoir en conjurer les effets. On ne peut faire confiance qu’à ceux qui ont l’humilité de le constater, et le libre courage de l’affronter.
(14 juin 2003)