« Il n’est pas bien difficile de distinguer ce qui caractérise principalement l’époque historique moderne, par contraste avec les époques antérieures. Dans la civilisation qualifiée de moderne, les sciences, l’industrie, tout ce qui comporte par sa nature propre un accroissement, un progrès, un perfectionnement indéfini, jouent un rôle de plus en plus indépendant et prépondérant ; tandis qu’auparavant ces mêmes éléments de civilisation ne se développaient, ne se conservaient qu’à l’ombre pour ainsi dire, sous la tutelle et la sauvegarde des institutions, des lois, des coutumes religieuses, civiles, militaires ; de sorte que celles-ci venant à se corrompre, à s’user, à dépérir, les autres éléments de civilisation que leur nature propre ne condamnait pas au dépérissement, bien au contraire, disparaissaient ou s’éclipsaient avec elles.

« Et comme il n’est pas de raison intrinsèque pour qu’un caractère aussi formel disparaisse, une fois qu’il s’est produit, il s’ensuit que, dans l’ordre historique notre époque moderne peut à bon droit passer pour une époque finale. […] Tel ne saurait pourtant être l’avis de ceux qui regardent l’avènement de la civilisation moderne, comme un mal dont il faut toujours espérer que le monde se guérira. D’un autre côté, toutes les sectes de millénaires et d’utopistes attendent l’avènement d’un autre état final qui se distinguerait de la phase historique actuelle aussi nettement, sinon plus nettement que celle-ci ne se distingue des phases antérieures ; c’est-à-dire qu’ils voudraient replacer, comme aux anciens âges, sous la tutelle d’un système ce qui a acquis la force de subsister et de grandir indépendamment de tout appui étranger. »

Antoine Augustin Cournot,  Considérations sur la marche des idées et des événements dans les temps modernes (1872)

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La section Points chauds a été augmentée le 25 mai 2023

 « D’accord. Mon droit… »

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